Mon téléphone vibrait dans ma poche arrière, mais je ne voulais pas le sortir en entrant dans la Tour de l'Holocauste. Le "vide vidé" - un espace en béton désolé accessible par une seule porte, avec seulement une mince lumière provenant du haut - exigeait une attention totale. J'ai passé quelques minutes dans le froid et l'obscurité, m'imprégnant du sentiment d'absence et de perte. Cette pièce était le point final de l'étage souterrain du bâtiment Libeskind, une récente addition au Musée juif de Berlin. L'architecture du bâtiment vise à transmettre "le vide physique résultant de l'expulsion, de la destruction et de l'annihilation de la vie juive lors de la Shoah."
J'étais à Berlin pour une conférence et je voulais visiter le musée pendant ma journée libre. Berlin, et le destin de sa population juive, a toujours pesé sur mon esprit en tant que Palestinienne. Les atrocités de l'antisémitisme européen ont bouleversé le monde, le nôtre inclus. Et de nos jours, Berlin continue d'être un lieu où se joue la politique israélo-palestinienne. Par-delà le fait que la ville abrite de grandes communautés palestinienne, arabe, et israélienne, la tentative tardive de l'Allemagne de régler ses comptes avec l'antisémitisme a particulièrement ciblé les musulmans en général, et la diaspora palestinienne plus spécifiquement.
Je suis sortie de la tour et, avant de monter aux étages supérieurs pour les expositions permanentes, j'ai déverrouillé mon téléphone. J'avais des notifications dans chaque groupe de discussion et application de réseaux sociaux. Les combattants du Hamas avaient franchi la clôture militarisée autour de la bande de Gaza, étaient entrés dans des colonies voisines, avaient tué un nombre inconnu de personnes et pris des otages. Les universitaires et les militants avec lesquels je parlais régulièrement essayaient de comprendre ce qui se passait et ce qui allait arriver. Je ne parvenais pas à saisir l'ampleur de tout cela.
Tout au long du reste de la journée passée au Musée juif, j'ai oscillé entre la lecture des textes accompagnant chaque pièce d'exposition et le fait de m'écarter pour prendre connaissance des dernières informations. J'ai découvert l'histoire des Juifs de Worms et de Mayence et leur vécu profondément enraciné en Ashkenaz (la région au nord des Alpes, bien que le terme ait fini par faire référence plus largement à l'Europe centrale et orientale). J'ai appris que lorsque l'Europe chrétienne a lancé les Croisades au Levant, tuant des milliers de musulmans, elle s'est également retournée contre ses communautés juives, incendiant les quartiers juifs et chassant leurs habitants de ses villes. Ensuite, j'ai vérifié les derniers décomptes de décès. J'ai regardé des vidéos sur la vie juive allemande pendant la République de Weimar et les débats qui ont émergé entre les assimilationnistes, qui croyaient avoir une place dans la société européenne, et les sionistes, qui prônaient la migration ailleurs. Puis j'ai actualisé les blogs en direct pour voir les dernières déclarations des dirigeants mondiaux, alors que le nombre de morts augmentait. C'était comme si j'absorbais la violence à travers différentes époques, une saignant étrangement dans l'autre.
Dans un coin, la vidéo d'un homme âgé se décrivant comme un fier socialiste était retransmise aux côtés d'autres voix juives pour montrer la diversité de la communauté. Lorsqu'on lui a demandé s'il se sentait chez lui en Allemagne, il a répondu : "Si Israël n'avait pas été créé, je ne serais pas resté en Europe." Ce sentiment est familier à de nombreux Juifs à travers le monde. Dans une réalité où la naïveté de la position assimilationniste avait été tragiquement démontrée, Israël était la police d'assurance. Israël assurait la sécurité juive. Tant qu'Israël existait, les Juifs pouvaient vivre n'importe en sachant disposer d'un abri de nuit, ce qui permettait paradoxalement l'expérience diasporique.
Mais était-ce vraiment le cas? La fondation d'Israël a bien établi un État qui les représentait - qui les centrait - et cela signifie certainement beaucoup pour les Juifs, en particulier ceux ayant fait l'épreuve, directe ou héritée, de la Shoah. Mais étant donné qu'il y avait une autre population, ancrée dans une civilisation arabe existante depuis longtemps, déjà installée dans ce qui allait devenir Israël - les Palestiniens, avec leur nationalisme propre - cet État a eu coût lourd. La formation d'un nouvel État peut être un "processus générateur de réfugiés", comme l'a souligné le défunt politologue Aristide Zolberg il y a quatre décennies. Dès la création du nouvel Israël, 750 000 Palestiniens ont été expulsés, générant des réfugiés et des personnes déplacées internes enserrant le nouvel État israélien de tout côté. Ces réfugiés ont encore augmenté avec chaque expansion territoriale israélienne, y compris l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza en 1967. Leur droit de retourner dans leurs foyers d'origine a été nié, et leur colère compréhensible n'a eu de cesse augmenté. "Sûr" n'est pas le mot que j'utiliserais pour décrire ces conditions. Quant à eux, les Palestiniens n'ont de toute évidence jamais été en sécurité.
Israël maintenait le contrôle sur cette population à travers une occupation militaire de plus en plus brutale, avec un système sophistiqué de permis et de laissez-passer, aux côtés de politiques qui dépouillaient de leurs terres ceux qui restaient et les chassaient du pays. Plus tard, Israël a ajouté des outils tels qu'un blocus terrestre, aérien et maritime de la bande de Gaza, lequel continue de détruire la vie des générations entières, et un mur de séparation de dix mètres, qui a transformé des villes en ghettos surpeuplés et entourés de colonies croissantes (et dangereusement armées) dans toute la Cisjordanie.
Comme le souligne l'historien Daniel B. Schwartz dans son livre "Ghetto: The History of a Word", le ghetto a "figuré de manière prépondérante dans pratiquement tous les développements majeurs de l'histoire juive moderne", Israël émergeant comme la réponse au ghetto subi par les Juifs dans le monde entier. L'ironie d'un État formé comme "antithèse" au ghetto utilisant la ghettoïsation comme stratégie de contrôle n'est pas perdue pour les Palestiniens. Cette infrastructure de coercition va bien sûr de pair avec une violence physique omniprésente - emprisonnements, démolitions de maisons, frappes aériennes et plus encore.
Des soulèvements contre cette réalité et sa nature intrinsèquement violente ont eu fréquemment lieu. Pendant un court laps de temps, l'idée d'une solution à deux États a été envisagée comme une issue possible. Cependant, elle a été rapidement abandonnée et, ces dernières années, même la prétention à trouver une solution a été reléguée au second plan, aussi bien par les responsables israéliens que s'agissant de leurs homologues dans la communauté internationale. Ceux impliqués dans les négociations du processus de paix, comme Aaron David Miller, ont reconnu qu'ils avaient échoué en raison de leur partialité, les responsables américains adoptant ainsi mécaniquement la position israélienne.
Au lieu de cela, avec l'abandon de la solution à deux États, la communauté internationale - en particulier les États-Unis - a donné à Israël le pouvoir d'ignorer le problème palestinien, d'agrandir les colonies et de rendre la vie quotidienne des Palestiniens encore plus invivable, tout en poursuivant des accords de normalisation avec les gouvernements de la région, exacerbant le problème et le reléguant simultanément au second plan. Si les Palestiniens sont évoqués, c'est dans le contexte d'améliorer marginalement leurs conditions grâce à des incitations économiques au mieux ou, comme l'a exprimé le ministre des Finances israélien Bezalel Smotrich, pour déterminer si les Palestiniens "se rendront ou seront transférés" au pire.
À quiconque suit la politique israélienne et palestinienne avec un minimum d'honnêteté, avec l'humanité des peuples impliqués en tête, les événements du 7 octobre ont certes été choquants par leur ampleur et révoltants par leur réalité pratique, mais pas entièrement surprenants dans leur timing. Les mouvements de protestation palestiniens ont été réprimés, la société civile a été ciblée et vidée de sa substance, et presque tous les types de plaidoyer politique en faveur des Palestiniens ont été criminalisés. De plus, les Palestiniens ont observé comment de grands "accords de paix", fondés sur leur subjugation continue, étaient élaborés et célébrés par des autoproclamés défenseurs de la démocratie comme les États-Unis, aux côtés de régimes autoritaires tels que les Émirats arabes unis et Bahreïn. La violence était présente, s'accumulant, et une explosion était imminente ; ce n'était pas une question de "si", mais de "quand".
La soif de sang du monde occidental a poussé les Juifs, présents en Europe depuis des siècles, à chercher la sécurité, loin de l'antisémitisme dissipant toute illustion d'assimilation. Et l'hypocrisie du monde occidental, donnant le feu vert à pratiquement tout ce qu'Israël fait, envoyant des armes, opposant son veto à l'aide humanitaire et marginalisant les Palestiniens, entretient désormais une violence menaçant de plonger la région entière dans le chaos, avec des répercussions mondiales.
Cette dynamique n'a jamais été porteuse de sécurité pour quiconque y était impliqué, mais pendant un certain temps, il était facile de l'ignorer car les Palestiniens étaient ceux qui éprouvaient le plus directement l'insécurité. Une attaque de cette ampleur choque le monde, et cela est entièrement légitime. Mais ce choc témoigne nécessairement aussi du fait que le monde a depuis longtemps normalisé l'absence de sécurité pour certains.
La solution du monde s'agissant de la sécurité, pour les Juifs comme pour les autres peuples, est inextricablement liée à l'État-nation et à sa souveraineté, aux frontières militarisées et à l'obsession pour la démographie. Comme l'a montré l'histoire moderne, une telle perspective a toujours le potentiel de conduire à la politique suprémaciste et à ses violences de masse. Peut-être que le plus dommageable dans tout cela est le fait qu'une telle solution propage une compréhension défectueuse de la sécurité : c'est l'État qui a besoin d'être défendu, pas les gens. C'est l'État qui détient la souveraineté, pas les gens. Cela conduit logiquement à des politiques qui considèrent certains éléments de la société comme autant de pertes acceptables en temps de conflit - des sacrifices au nom de l'État. Et cela facilite une vision essentialiste du monde qui ne peut pas inclure l'histoire des migrations humaines et ne laisse aucune place à la fluidité de l'identité.
Ce moment devrait rendre clair que chaque chemin mène à la violence si la seule solution est ce statu quo. Ainsi, la fin de la violence signifie trouver des solutions aux problèmes qui fondent ce conflit. De nombreuses personnes ont exposé les problèmes ; certaines ont évoqué des solutions possibles. Par exemple, des organisations palestiniennes telles qu'Al-Haq ont expliqué comment, à la suite d'une occupation permanente, la domination israélienne peut être qualifiée d'apartheid. Plus tard, des organisations internationales telles qu'Amnesty International et Human Rights Watch en sont venues à la même conclusion. Parallèlement, des défenseurs des droits de l'homme ont exposé des approches fondées sur le droit, tandis que des universitaires tels que Leila Farsakh, Nicola Perugini et Rana Barakat ont proposé le colonialisme de peuplement comme cadre analytique pour comprendre les dynamiques politiques en Palestine. Des militants de la campagne pour un État démocratique unique ont soutenu que la solution à deux États n'était plus viable et ont exposé à quoi pourrait ressembler une réalité à un seul État.
Mais il est clair que aucune de ces discussions et débats n'a eu un impact significatif sur la réalité empirique car Israël ne se présente plus à la table des négociations, et étant donné le virage de plus en plus à droite de la société israélienne, il continuera à refuser de le faire. La communauté internationale aurait dû intervenir, mais elle ne l'a pas fait. Elle s'est permis, comme Israël, de penser qu'elle pouvait maintenir la sécurité par la seule force. Au lieu de cela, les éléments les plus extrêmes l'ont emporté. Et maintenant, la communauté internationale donne son feu vert aux crimes de guerre et aux déplacements forcés conduit en vengence par Israël.
Il faut être clair, les acteurs d'un conflit ou ceux de la scène internationale sont capables de libre-arbitre, et chacun peut faire des choix différents. Cela s'applique aux milices sionistes avant 1948 et au nouvel État israélien après, qui ont déplacé les Palestiniens et ont souvent ciblé les civils. Cela s'applique maintenant également à la conduite d'Israël à Gaza, où, au moment de la rédaction de ce texte, plus de 8 000 Palestiniens ont été tués.
Et cela s'applique également à des groupes tels que le Hamas. En tant qu'organisation, le Hamas a été créé 39 ans après la création de l'État d'Israël — après le déplacement de 1948, l'occupation des territoires en 1967 et de nombreuses confrontations au fil des décennies. Cependant, comme l'a souligné le chercheur palestinien Tareq Baconi dans une récente interview avec The New Yorker, si ce n'était pas le Hamas, cela aurait été quelque chose d'autre. En effet, les nouvelles milices apparues en Cisjordanie au cours des deux dernières années, sans lien avec le Hamas, corroborent son propos.
Cependant, le comportement du Hamas le 7 octobre n'était pas inévitable, tout comme la prise d'otages et le ciblage de civils, comme l'a affirmé l'intellectuel palestinien Azmi Bishara. Dans cette optique, Baconi a noté lors d'une récente interview que "la violence coloniale instille la déshumanisation à la fois chez l'oppresseur et chez l'opprimé", mais que "toute cette violence n'est pas nécessairement liée à un projet politique". Il semble que la probabilité que des acteurs recourent à une "violence sadique" augmente exponentiellement dans un statu quo violent.
Une réévaluation de l'État-nation en tant que seule source de sécurité, ainsi que de la notion de souveraineté basée sur l'État, est essentielle. Ce sont les individus qui détiennent la souveraineté : ils ont le droit à une vie digne, à l'autodétermination, au contrôle de leur environnement et à une voix dans leur avenir. Et les individus ne peuvent être en sécurité que collectivement en veillant à ce que ceux qui les entourent le soient également. Les États sont la manière dont nous organisons notre monde, et ils peuvent fournir des formes de sécurité, mais souvent de manière étriquée, éphémère et en refusant la sécurité à autrui. Un État qui continue de nier la souveraineté des gens ne peut pas maintenir la sécurité. Au nom de la souveraineté et de la sécurité, il continuera de causer de la violence. Et une garnison ne peut protéger indéfiniment.
Le contrecoup de l'absorption des atrocités passées et présentes m'a conduite au bord de la rupture, alors j'ai quitté le Musée juif avant la fermeture et me suis promenée dans ces rues dont les Juifs avaient largement été effacés. Je suis passée devant le vestige restant de la façade de l'Anhalter Bahnhof, une gare qui a servi de carrefour pour la déportation des Juifs de Berlin, non loin du musée. Rien de tout cela n'est de l'histoire ; l'impact de la violence suprémaciste blanche en Europe se fait encore sentir. J'étais trop engourdie pour pleurer, mais je savais que plus de violence était à venir. Le monde n'avait toujours pas compris que la seule façon de garantir la sécurité était de comprendre que celle-ci est relationnelle.