Nayef Hawatmeh (1935) est un homme politique palestinien, fondateur
du Front démocratique de libération de la Palestine (FDLP). Né en 1935
dans une famille chrétienne de Jordanie, Hawatmeh adhère et milite au
sein du Mouvement nationaliste arabe où il représente l’aile gauche. Lors
du congrès de 1967, le MNA adopte le « socialisme scientifique » marxiste
prôné par ce dernier. En 1969, il rejoint le Front populaire de libération de
la Palestine (FPLP) d’obédience marxiste-léniniste, dont il se sépare assez
rapidement pour fonder le Front démocratique populaire de libération de
la Palestine qui devient, en 1974, le FDLP. Politiquement il se rapproche
de Yasser Arafat, le leader de l’Organisation de libération de la Palestine
(OLP), bien qu’il ait critiqué sa position envers le roi Hussein de Jordanie
lors des événements de septembre 1970 qui ont fait de nombreuses victimes
au sein du FDLP. Favorable à la création d’un État palestinien, il s’oppose
aux pourparlers de paix engagés à la fin des années 1980. Après la signa‐
ture de la Déclaration de principes en 1993, son parti se joint à d’autres
groupes de refus pour former l’Alliance des forces palestiniennes à Damas,
que le FDLP quitte en 1996. Dans ce texte, Hawatmeh revendique un État
binational palestinien démocratique intégré à un État arabe.
Préambule. La Palestine fut soumise, tout au long de son histoire
contemporaine et spécialement après la déclaration Balfour de 1917,
à la conquête sioniste-impérialiste, au détriment du droit du peuple
palestinien dont la présence historique sur sa terre fut ininterrompue.
Le sionisme et l’impérialisme proposèrent une solution raciste (chau‐
viniste) et réactionnaire de la question palestinienne et de la question
juive. Cette solution impliquait l’évacuation du peuple de Palestine de
sa terre, et la fondation d’un État israélien et d’un État palestinien en
fonction du plan de 1947 de partage de la Palestine. En fin de compte,
la solution chauviniste et réactionnaire donna lieu à un État israélien et
à la tentative d’annihilation de la personnalité palestinienne en 1948.
Après juin 1967, ladite solution oscilla entre le chauvinisme réaction‐
naire sioniste, concrétisé dans les ambitions expansionnistes d’Israël,
et la solution réactionnaire impérialiste, fondée sur la reconnaissance
d’Israël au sein de frontières sûres, comme l’indiquait la résolution du
Conseil de sécurité publiée le 22 novembre 1967. Comme de juste, si
le capitalisme sioniste, qui est l’allié du capitalisme mondial (américain
en particulier), et qui garde l’œil sur l’homme juif avec sa culture et ses
institutions réactionnaires, adoptait ces solutions, c’était en harmonie
avec les intérêts intriqués du sionisme et de l’impérialisme : il fallait
la permanence d’un État israélien qui soit une base sûre de la contre-
révolution dans la région, un poste avancé d’oppression et de réduc‐
tion du mouvement de libération nationale palestinien et arabe contre
l’impérialisme, la réaction et le sionisme incarnés dans l’État israélien.
Dans le même temps, au cours de cette lutte récente contre la
Palestine et son peuple, la réaction palestinienne et arabe proposait des
solutions en termes chauvinistes et réactionnaires, en semant l’hostilité
contre tout ce qui était juif à travers le monde tandis qu’effectivement et
objectivement de telles solutions faisaient alliance avec l’impérialisme.
Les programmes reflétaient les solutions que ces gens-là envisageaient,
au service des solutions proposées par l’impérialisme et le sionisme
à chaque phase de l’histoire des années 1936‐1948. Après la défaite
de 1948, les données palestiniennes et arabes allaient dans le même
sens, vers des solutions chauvinistes et racistes (jeter les Juifs à la mer,
égorger les Juifs, etc.). Après juin 1967, les prétentions chauvinistes
cédèrent la place sans réserve à des solutions réactionnaires et impé‐
rialistes consistant en la « reconnaissance effective d’Israël à l’intérieur
de frontières sûres ».
Proposition de résolution. Le Conseil national palestinien, prenant acte
de la foi du peuple palestinien en une solution démocratique de la
question palestinienne, décide la résolution suivante :
1. Refus des solutions chauvinistes de la réaction sioniste-
impérialiste, qui reposent sur la reconnaissance de l’État d’Is‐
raël comme l’une des réalités de la région moyen-orientale.
Ces solutions, en effet, outre qu’elles contredisent les droits du
228 Écrits politiques arabes
peuple palestinien à l’autodétermination de son avenir sur sa
propre terre, consacrent le fait sioniste et expansionniste lié à
l’impérialisme et hostile au mouvement de libération nationale
palestinienne et arabe, comme à toutes les forces mondiales de
la libération et du socialisme.
2. Refus des solutions chauvinistes palestiniennes et arabes telles
qu’elles se présentent avant et après juin 1967, consistant à égor‐
ger les Juifs et à les jeter à la mer ; et refus de la solution réac‐
tionnaire consistant en l’établissement de l’État israélien dans des
frontières sûres et reconnues conformément à la résolution du
Conseil de sécurité de triste mémoire. Une telle solution annule
le droit du peuple palestinien à la détermination de son sort par
lui-même sur sa propre terre. Elle plante en outre au Moyen-
Orient un État raciste, capitaliste, expansionniste, dialectiquement
lié à l’impérialisme mondial, hostile au mouvement de libération
nationale palestinienne, arabe, mondiale, et aussi bien à toutes
les forces du progrès et du socialisme dans le monde.
3. La lutte en faveur d’une solution démocratique et populaire de
la question palestinienne et de la question israélienne consiste
à abolir l’être (kiyan) sioniste incarné dans l’ensemble des insti‐
tutions de l’État – armée, administration, police – et dans l’en‐
semble des institutions politiques et syndicats chauvinistes et
sionistes, et à fonder un État palestinien de démocratie populaire
où vivront sans discrimination Juifs et Arabes, un État opposé
à toute espèce de domination de classe et de nationalisme (qaw‐
miyya), tous les Arabes et les Juifs recevant le droit de croître et
de développer leurs cultures nationales (wataniyya) respectives.
4. Étant donné le lien historique et prospectif de la Palestine avec la
nation arabe (umma), l’État palestinien de démocratie populaire
deviendra une portion inaliénable d’un État arabe unioniste (itti‐
hadiyya) dans la région, État au contenu démocratique et hostile
au colonialisme et à l’impérialisme, au sionisme et à la réaction,
arabe ou palestinienne.
5. La solution démocratique, telle qu’elle est proposée, assurera la
libération de l’homme arabe et de l’homme juif de l’emprise de
toute espèce de culture chauviniste-raciste : l’homme arabe de
sa culture réactionnaire, et l’homme juif de sa culture sioniste.
6. La solution démocratique, opposée à la domination d’une classe
ou d’un nationalisme (qawmi), assurera la rupture des liens entre
l’impérialisme et la Palestine, et la transformera en un bastion
La question démocratique 229
du progressisme révolutionnaire aux côtés des forces qui luttent
contre l’impérialisme et la contre-révolution en ce bas monde.
7. Pour que le mouvement de libération nationale parvienne à l’État
palestinien de démocratie populaire, il faut absolument une lutte
armée et une guerre populaire de libération du sionisme, de l’impé‐
rialisme et de la réaction, en détruisant l’État israélien et en libérant
les Juifs du mouvement sioniste. D’autre part, il faut la lutte armée
quotidienne contre toutes les solutions chauvines, réactionnaires et
impérialistes, jusqu’à la libération complète de la Palestine entière,
et l’édification d’un État démocratique incluant les Arabes et les
Juifs avec des droits et des devoirs nationaux (wataniyya) stricte‐
ment égaux, d’un État au service des forces mondiales qui luttent
en faveur de la libération nationale et du progrès.
Appel du Front populaire démocratique. Le FPD, en proposant cette
solution démocratique, invite tous les éléments et tous les groupes
israéliens ou juifs hostiles au sionisme et à l’impérialisme à se tourner
vers cette solution et à participer à la lutte armée palestinienne en faveur
de la réalisation de cette solution démocratique et révolutionnaire.
Le FPD conjure toutes les forces de libération nationale et socialiste,
de par le monde, d’adopter cette solution démocratique et de lutter,
aux côtés du peuple palestinien, pour son application, à savoir l’auto‐
détermination du peuple palestinien sur sa propre terre, et l’érection
en Palestine d’un État démocratique hostile au colonialisme, à l’impé‐
rialisme, au sionisme et à la réaction.