La convocation du quatrième Congrès sioniste à Londres se justifie d'elle-même. L'Angleterre est l'un des rares sanctuaires où la haine des Juifs n'a pas encore pris racine. Ce fait incontestable révèle à lui seul la triste situation du peuple juif à l'heure actuelle. Nous devons parcourir toute la surface de la terre pour trouver un endroit où le peuple ancien de Dieu n'est ni maudit ni persécuté. Mais ne tirons aucune fausse conclusion du fait qu'en glorieuse Angleterre, les Juifs jouissent d'une liberté totale et de droits humains complets. Ceux qui conseillent aux persécutés de fuir en Angleterre sont de piètres amis des Juifs de ce pays ainsi que de ceux d'autres pays. Nos frères anglais ne pourraient pas profiter de leur situation favorable autrement que dans la crainte et la tremblante si elle devenait une attraction pour les désespérés de notre peuple. Une immigration de ce genre constituerait un danger non seulement pour ceux qui vivent ici mais aussi pour les nouveaux venus. Car ces derniers importeraient inconsciemment dans leurs misérables bagages la chose même dont ils fuyaient, à savoir l'antisémitisme. Nous, en revanche, plantons nos tentes ici pour quelques jours alors que nous proposons de traiter de la solution de la question juive dans une discussion publique. Pendant l'intervalle entre les congrès, nos opposants prennent grand soin de couvrir nos intentions d'un enchevêtrement de mensonges, et par conséquent, notre première tâche, chaque fois que nous nous réunissons, doit être de supprimer cet envahissement avec un coup de hache, pour ainsi dire, et de mettre à nu l'arbre. Ainsi, nous avons le plaisir de constater que notre arbre est sain et florissant. Le sionisme exige un foyer publiquement reconnu et légalement sécurisé en Palestine pour le peuple juif. Cette plate-forme, que nous avons élaborée il y a trois ans, est inchangeable. Elle doit avoir répondu à une nécessité très profonde, un très ancien désir de notre peuple, sinon ses effets seraient inexplicables. Il n'est pas nécessaire que j'énumère ces effets aujourd'hui. Tout le monde les connaît, tout le monde les voit et les entend. Il y a quatre ans, parler d'une nation juive risquait de passer pour ridicule.
Aujourd'hui, c'est celui qui nie l'existence d'une nation juive qui se rend ridicule. Un coup d'œil dans cette salle, où notre peuple est représenté par des délégués du monde entier, suffit à le prouver. Ce fait est significatif non seulement pour nous mais aussi pour les autres. Il offre aux pays individuels une solution humaine et équitable à la question juive déroutante, et en même temps il ouvre de nouvelles perspectives au Proche-Orient. Notre retour dans la terre de nos pères, prédit par les Saintes Écritures, chanté par les poètes, désiré avec larmes par les pauvres de notre peuple, et raillé par de pitoyables moqueurs, est un événement d'un grand intérêt politique pour toutes les puissances concernées par les affaires de l'Asie. Permettez-moi de citer quelques mots du discours d'ouverture prononcé lors du Deuxième Congrès. En 1898, les mots suivants ont été prononcés à Bâle : "La Palestine n'est pas seulement le foyer des idées les plus élevées et du peuple le plus malheureux, mais elle revêt également une grande importance pour l'Europe en raison de sa situation géographique. Le temps ne peut être loin où elle sera traversée par une voie culturelle et commerciale vers l'Asie. L'Asie est le problème diplomatique de la décennie à venir." Ces mots, datant de 1898, donnent en fait aujourd'hui une impression de banalité, tant ils ont été confirmés par les événements des derniers mois. Le problème asiatique devient plus sérieux de jour en jour et menace de devenir un problème sanglant pendant un certain temps. Pour cette raison, il est de plus en plus dans l'intérêt des nations civilisées et de la civilisation en général qu'une station culturelle soit établie sur la voie la plus courte vers l'Asie. La Palestine est cette station, et nous, les Juifs, sommes les porteurs de la culture prêts à donner nos biens et nos vies pour en assurer la création.
Ceux qui s'intéressent à la politique percevront en un clin d'œil qu'une précieuse opportunité de se rapprocher de l'Asie nous est ainsi présentée. Aucune des puissances n'aurait besoin de regarder avec anxiété la station culturelle que le peuple juif impuissant érigerait rapidement sous la suzeraineté de Sa Majesté le Sultan. Les Juifs en bénéficieraient, tout comme les autres, et la Turquie en retirerait les plus grands avantages de tous. L'Angleterre, puissante Angleterre, libre Angleterre, avec sa vision embrassant le monde, nous comprendra et comprendra nos aspirations. Avec l'Angleterre comme point de départ, nous pouvons être sûrs que l'idée sioniste s'élèvera plus haut que jamais. Bien sûr, les gens pratiques, les sur-sages, viendront nous demander ce que nous gagnons par tout cela. Nous connaissons ces gens. Nous nous souvenons de toutes les pierres qu'ils ont jetées sur notre chemin, de toutes les contrariétés qu'ils ont voulu nous causer, et dont ils ont réussi à nous causer. Ce sont ces mêmes personnes qui n'en finissent jamais de demander ce que nous avons accompli, jusqu'où nous sommes allés, quand nous atteindrons enfin notre objectif. S'ils nous avaient aidés de toutes leurs forces au lieu de nous entraver de toutes leurs forces, ils ne pourraient pas nous questionner plus ardemment. Aucun de ceux qui travaillent à la construction de cet édifice, depuis les plus grands jusqu'aux plus modestes, depuis les architectes et leurs assistants jusqu'aux modestes, loyaux porteurs de briques, ne nous a questionnés avec autant d'insistance. Nous sommes satisfaits de savoir que nous devons travailler, et nous le faisons avec joie, courage et enthousiasme. Nous construisons sans relâche, et notre édifice grandit. Il n'est pas donné à tout le monde de comprendre ce qui n'est pas encore achevé. Mais je suis convaincu que ces Juifs qui restent en retrait aujourd'hui avec un sourire malicieux et les mains dans les poches de leur pantalon voudront également habiter notre belle maison.
Il y a cependant une question précise à laquelle nous n'avons pas l'intention d'échapper. Avons-nous déjà obtenu une charte nous accordant le droit de nous établir en Palestine ? Nous répondons clairement et distinctement : Non. C'est une toute autre question de savoir si nous continuons à espérer, à lutter, à travailler, afin de l'obtenir. À cette question, nous répondons également clairement et distinctement : Oui ! La probabilité de réaliser nos revendications et nos propositions augmente avec notre nombre et avec l'augmentation de notre force. Pour l'instant, nous avons des raisons d'être satisfaits de l'esprit dans lequel nos aspirations ont été considérées par les puissants de ce monde. Ne demandez pas plus que cette indication à votre Comité d'Actions. À cet égard, vous devez lui faire confiance implicitement. Vous pouvez librement le questionner concernant toutes les autres questions.
Nos activités et les progrès que nous avons réalisés peuvent se résumer en une seule phrase : nous organisons le judaïsme pour son destin à venir. Mais pour une fois, nous poserons aussi une question. Nous poserons une question à nos adversaires juifs : qu'ont-ils fait toutes ces années pour soulager l'effroyable détresse de nos frères ? Où sont les résultats de leur travail ? Qu'ont-ils accompli ? Ont-ils créé quelque chose de pratique ? On nous parle continuellement de comités, de collectes, d'institutions. Montrez-nous les résultats ! Montrez-nous les effets ! Nous aimerions admirer ces gens et les remercier au nom des pauvres. Ce n'est pas une question capricieuse, mais une question terriblement sérieuse.
Vous savez tous quel événement horrible la provoque, comment les Juifs roumains ont parcouru l'Europe, laissant comme une traînée de sang dans leur sillage. Où était "le judaïsme officiel" ? Où étaient les grands d'Israël, les piliers des communautés ? C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez ! Ils ont fait grand bruit pour hâter le départ de quelques milliers de fugitifs, puis ont déclaré qu'ils étaient incapables de faire quoi que ce soit d'autre. Les groupes de fugitifs qui sont venus plus tard ont été rassemblés par la force armée et ont été mis dans des trains spéciaux pour être renvoyés aux frontières qu'ils avaient réussi à franchir avec d'effroyables difficultés. Ces trains spéciaux représentaient l'effort suprême des personnes charitables. Jusqu'à présent, parmi les arguments en faveur du sionisme, l'un des meilleurs était la faillite de l'assimilation. Maintenant, nous en avons un nouveau : l'insolvabilité de la philanthropie. Et quelle insolvabilité ! Car lorsque les riches font faillite, les pertes sont énormes.
Les sociétés philanthropiques prétendent qu'elles n'étaient pas préparées à une calamité de cette nature. C'est leur faute. Elles auraient dû avoir la courtoisie de se renseigner sur les délibérations de nos congrès. Au premier congrès de Bâle en 1897, les pétitions de cinquante mille Juifs roumains ont été soumises. Ils imploraient de l'aide du fond de leur misère. Ils ne pouvaient pas supporter leur situation une heure de plus, et ils l'ont endurée pendant trois années de plus. Trois années de misère, dont l'horreur nous commence seulement maintenant quand nous les voyons dans leurs pérégrinations. Vous en entendrez davantage au cours de nos délibérations.
Il semble que tout cela, la misère honteuse, l'impossibilité de fournir un abri aux fugitifs, la ruine des organismes de secours, devrait convaincre nos adversaires les plus obstinés que seuls les sionistes détiennent la seule vraie panacée. Non ! En aucun cas, nous ne devons avoir raison. Au contraire, on nous accuse d'avoir instigué ces errances lamentables des Juifs afin de nous fournir du matériel de propagande. Nous déclarons par la présente que c'est un mensonge. Jamais, jamais nous n'avons incité ou favorisé un tel pèlerinage sans but. Nous avons répondu aux innombrables demandes de voyageurs impatients par des admonestations à être patients. Prévoyant les événements comme nous l'avons fait, nous avons averti les gens qui voulaient quitter leur foyer sans plan, sans but, et sans argent, de la calamité qui les attendait. Lorsque, ayant ignoré nos dissuasions, ces victimes de la misère se sont lancées dans leurs pérégrinations, nous les avons néanmoins aidées du mieux que nous avons pu. Malheureusement, nous n'avons pas pu faire grand-chose, car nous n'avions prévu aucune entreprise charitable. Mais cette catastrophe, qui n'est probablement pas la dernière du genre, et qui n'est, en fait, pas encore du passé, devrait être un sérieux avertissement tant pour nous, sionistes, que pour les autres. Nous ne devons pas nous contenter de l'utiliser comme preuve que nos théories sont justifiées. Nous devons en tirer des conclusions pratiques. Les émigrants désespérés ne devraient plus dépendre de la faveur capricieuse des philanthropes. Que ce soit l'un des devoirs de ce Congrès d'établir des organismes financiers grâce auxquels nos sionistes tenteront à l'avenir de garantir une aide réciproque les uns aux autres en cas de nécessité. En apportant de petits sacrifices, chaque individu peut accroître la force de l'ensemble, qui pourra peut-être lui venir en aide un jour. Ainsi, nous pourrions mériter un droit à l'assistance et ne plus demander de faveurs. Notre progrès est laborieux, oui, et plein d'obstacles. Mais il démontre notre courage et notre fidélité à l'idéal. Que ceux qui recherchent des résultats immédiats se retirent de nos rangs. Et si la victoire finale tarde à venir à nous, nous pourrons au moins pointer du doigt un gain moral découlant du besoin matériel de notre peuple. Nous aurons montré que le judaïsme est encore capable d'un idéalisme qui défie le danger, endure la privation et possède la patience infinie grâce à laquelle les grands desseins sont accomplis.