Parler proche

des Shéhérazades Digitales de Bruxelles

Joachim Ben Yakoub
Ce texte, que son auteur a eu la gentillesse de nous faire parvenir, est la discussion qu'il a réalisée de l'ouvrage HERStory. Féminisme, minorité et visualité, publié sous la direction de Maryam Kolly (2023, Lettre volée).



Je tiens tout d'abord à remercier Maryam Kolly de m'avoir invité à discuter la magnifique collection d'essais "HERstory. Féminisme, minorité et visualité". C'est un présent, qui arrive à point nommé. Je suis vraiment reconnaissant du fait que tu nous offres la possibilité et l'espace pour le discuter et je vais essayer de rendre justice à cette invitation chaleureuse.
Lors de ma lecture, j'ai aimé écouter les voix d'une nouvelle génération de femmes, artistes, travailleuses culturels, journalistes et militantes prometteuses et férus de technologie, tout en remettant en question ma propre positionalité et mes différentes manières situées d'être solidaire des nombreuses formes émergentes de féminismes décoloniales, musulmans et africains.

J'ai envie de célébrer le délicat et dévoué volume édité que nous avons entre les mains aujourd'hui. C'est tellement inspirant de voir une forme différente de production de savoirs collective autour du rôle et de l'économie contemporaine de l'image et de différentes formes de visualité dans un cadre universitaire, où les personnes concernées ne sont pas abordées comme des objets d'étude ou comme des sujets à qui il faudrait donner la parole, à qui il faut donner du pouvoir, pas même comme des interlocutrices à citer selon les conventions dominantes, mais comme des autrices de leurs propres histoires, maîtres de leurs propres voix et images. Elle invite à une forme d'écoute honnête, réceptive et profonde.

Il est inspirant de voir comment, méthodologiquement, l'invitation à écrire les différentes contributions à partir de trois images Instagram différentes et leurs relations dans le temps, a permis la création d'une épaisseur historique indiscutable. La totalité dynamique des voix et des histoires convergentes qui en résulte nous donne un aperçu important d'une séquence dans le temps, reliant les points discrets entre différents moments qui ont marqué la vie de collectifs et personnalités militantes, et qui forme une histoire – jusqu'à présent – non écrite du militantisme à Bruxelles. La simple invitation à faire parler des images particulières, par le biais d'une structure narrative spéculative collective, en pliant les différentes lignes de temps des comptes de médias sociaux connectés, permet à une distance temporelle de s'installer et de faire place à une introspection critique dans la fabulation de ce que tu appelles une "communauté du SelfLove".

Ce faisant, tu nous invites à écouter et à apprendre de cette nouvelle génération de, ce que Fatima Mernissi a appelé, des "shéhérazades digitales" ou ce groupe émergent de femmes sûres d'elles et talentueuses, qui assument des rôles essentiels dans l'espace public[i]. Les nouvelles technologies comme l'internet, et les médias sociaux en l'occurrence, ont déplacé les frontières et la division de genre entre la sphère privée et la sphère publique, facilitant l'émergence d'une "umma digitale", où une nouvelle génération de conteuses numériques qui réinvente de nouvelles stratégies visuelles pour se libérer, ainsi que leurs communautés, de différents régimes visuels étouffants qui se chevauchent, et s'opposent parfois.

Ce que tu as mis en œuvre avec ce volume édité, Maryam, est un exemple inspirant de ce que Trin Th Mi ha appelle "parler proche"[ii], c’est-à-dire ce qui marque une autre façon de connaître le monde, impliquant un mouvement continu de l'intérieur vers l'extérieur. Une structure sociétale peut en effet être comprise de l'intérieur de soi, car il est possible de "connaître le monde intérieurement, de sorte que plus nous allons en profondeur en nous-mêmes, plus nous allons en profondeur dans la société". Un parler proche, est alors "un parler qui n'objective pas, ne désigne pas un objet comme s'il était éloigné du sujet parlant ou absent du lieu parlant", c'est "un parler qui réfléchit sur lui-même et peut s'approcher très près d'un sujet sans toutefois le saisir ou le revendiquer".

Comme vous avez pu le remarquer, je ne suis pas une "Shéhérazade Digitale", ni une "femme 1970 native", je suis plutôt un "frère 1980 ness-ness", deux moitiés qui font néanmoins un tout. Je suis aussi le père de deux adorables filles, qui grandissent aujourd'hui à Bruxelles et aussi le fier descendant de ma mère chrétienne limbourgeoise et de ma grand-mère musulmane djerbienne, que Dieu garde leurs âmes et celles de tous mes ancêtres. Depuis 2001, je suis actif dans différents mouvements antiracistes, trouvant refuge dans les arts, notamment le cinéma, les arts visuels et la performance, où j'ai développé différentes pratiques qui entrent en résonance et parfois en relation avec certaines présentées aujourd'hui. Suite aux mouvements de révoltes depuis 2011, j'ai fini par faire des recherches à l'université, mais en opérant toujours à la frontière de différentes institutions et écoles d'art entre Tunis et Bruxelles. En tant que membre de la "Kitchen", un refuge dans le centre de notre capitale, j'essaye au quotidien différents rythmes d'accueil et de partage de pratiques esthétiques fugitives avec différents amis. Je suis reconnaissant d'avoir travaillé avec Maja-Ajmia Yde Zellama pour la réalisation de l'exposition FEU2FORET et avec Souheïla Amri pour la série de conférences-actions Critical Muslim Studies que nous avons mise en place avec Ras El Hanout et Nadia Fadil.

Au cours des deux dernières décennies, j'ai été témoin de l’émergence d'une conscience féministe accrue à travers différentes stratégies radicales liées à la position des femmes et du genre dans les différents mondes artistiques dans lesquels je navigue, notamment dans les milieux féministes afro et musulmans. Je tiens à rappeler ici ce que Sœur Muz a souligné dans sa poignante contribution au volume édité : le sexisme, la misogynie et le patriarcat sont en contradiction fondamentale avec l'esprit du tawhid (l'unicité de Dieu) et, par conséquent, avec l'Islam, et j'ajouterais, avec toutes les visions du monde non-dualistes qui peuplent notre terre. En effet, ici, l'amour apparaît comme la pierre angulaire de bâtiments possibles d’alliances à travers l’unicité, enfermant le désamour du monde de l'art institutionnel. Le Self du SelfLove, n'indiquerait donc pas le soi néolibéral individuel centré sur l'ego, qui est paradoxalement l'objet premier de nos luttes partagées, mais l'unité indivisible du soi, un soi sur lequel une communauté à venir peut compter pour se réaliser. Je suis donc ici, comme un frère en quelque sorte, un frère porteur d'une forme de ce que bell hooks appelle une "amitié porté par l’amour", une amitié qui nous fournit un espace pour expérimenter la joie de la communauté en relation où nous apprenons à traiter tous nos problèmes, à faire face aux différences et aux conflits tout en restant connectés[iii] .

C'est donc à partir de cette position située que j'ai préparé quelques interrogations, qui peuvent être résumées en deux questions. Une première série de questions s'adresse à toi Maryam, et plus spécifiquement à la conversation de clôture avec nos "sœurs 1970 natives" Nadia Fadil et Benedikte Zitouni, et a trait au geste agitateur de se ré-approprier la notion de wokeness. Une deuxième série de questions s'adresse à vous, Souhaïla et Maja-Ajmia, et prolonge en quelque sorte l'exercice spéculatif de vous imaginer dans 30 ans, pour vous demander comment – à travers le refus persistant des formes de reconnaissance et de représentation dominantes – les espaces de refuge émergents dans lesquels vous êtes toutes deux engagées pourraient être institués différemment. Ces deux questions renvoient à deux formes différentes de fabulation. La fabulation pourrait être comprise dans le sens donné par Saidiya Hartman[iv], comme une forme de fabulation critique, racontant à nouveau les histoires du passé en allant au-delà des trous et des lacunes de notre mémoire collective, ou encore dans le sens donné par Bouchra Khalili[v], voyant la fabulation comme une pratique de la voix, favorisant l'invention d'un peuple ou dans ce cas une « communauté du SelfLove » à venir.

Interroger le Wokeness

Ma première question est liée à la revendication de la wokeness comme une forme d'éveil, comme un geste qui ouvrirait la nécessité de maintenir ouvert un espace partagé de réflexion, de poursuivre la conversation sur quel monde nous voulons laisser à nos enfants, et leurs descendants. Certaines des conditions préalables actuelles de la wokeness, lorsqu'elles sont énoncées dans le contexte de nos luttes ici à Bruxelles, semblent être limitatives. Comme beaucoup d'autres termes, la wokeness est traduit d'un répertoire hégémonique de la théorie critique de la race Afro-Américaine. Alors qu'aux Etats-Unis, l'idée de wokeness était initialement utilisée dans un but de libération, elle n'a été reprise en Europe que lorsqu'elle était déjà vidée de sa substance et utilisée contre elle-même par l'extrême droite/alternative. La réappropriation de la notion de wokeness dans notre contexte pourrait alors masquer ce que Miriam Aouragh appelle différents raccourcis de l'antiracisme qui ont le potentiel d'obscurcir les questions liées à la classe, à l'exclusion sociale et donc au quartiers, et de vider les conditions de possibilité mêmes de solidarité et de filiation radicale au sein de nos mouvements croisés[vi].

La réappropriation du terme de "wokeness" entraîne différents écueils possibles. Dans une de ses dernières analyses "De l’antiracisme moral à l’antiracisme « woke » ou l’histoire d’un progrès et d’une régression" Houria Bouteldja s'interroge sur l'émergence d'une nouvelle posture performative, qui derrière son discours radical cacherait la montée d'un antiracisme moral réitéré[vii]. Derrière un semblant de radicalité sur les réseaux sociaux, un nouvel essaim d’activistes, structurerait de nouvelles formes d'action libérales, managériales, consuméristes et individualistes. A travers une fétichisation de l'autonomie et de l'auto-organisation, ils concentreraient leur critique sur la question de la représentation et de l'inconduite individuelle et tendraient ainsi à individualiser des stratégies de survie et de visibilité. La stratégie principale s'articulerait alors autour de diverses formes d'annulation, de dé- ou de non-platforming et d'interpellation d'entreprises ou de personnalités qui viserait à corriger les pratiques et comportements individuels. La proximité avec les personnes actives dans le mouvement déterminerait alors la valeur d’une "légitimité décoloniale" d'une personne sur le marché antiraciste. Cette forme de prosélytisme anti-privilège n'offrirait - toujours selon Bouteldja - que deux issues possibles : soit la personnalité ou l'entreprise visée change ses procédures, soit elle cesse de consommer, d'aimer et de promouvoir une personnalité ou une marchandise. Dans les deux cas, cette nouvelle forme d'antiracisme "woke" limiterait le champ d'action à l'échelle interindividuelle. Pour Bouteldja, ce tournant devrait être critiqué comme une résurgence d'un antiracisme moral, où le problème du racisme est essentiellement réduit à ce que l'on pense des personnes dominées par la race, aux préjugés individuels et aux idées préconçues, où l'essentiel de nos 'énergie précieuse serait perdue à témoigner par l'expérience vécue du racisme et dans une indignation et une dénonciation partagées des insuffisances d'autrui.[viii] Ainsi, ces stratégies tendraient non seulement à dépolitiser la lutte antiraciste, mais aussi à la fragmenter le long des différentes lignes d'intersection entre le genre, la race et la classe. Elles renforceraient une forme de division interne, au sein même de la “communauté du SelfLove". Enfin, le tournant vers la wokeness et la division interne qu'il facilite, accélérerait une forme d'oubli, le mouvement antiraciste se déconnectant de la lutte anticoloniale internationaliste et de sa réverbération dans la diaspora qui l'a précédé.

Or, pour Saidiya Hartman, la fabulation est une forme de travail qui vise à récupérer et à "brosser un tableau aussi complet que possible", elle implique de pousser les limites de l'archive pour écrire nos histoires, en rappelant toujours que la représentation reste une impossibilité. Cette compréhension de la fabulation renvoie à un "Soi héritière de mobilisations historiques,"' dans la triple conscience qui anime les contributions de l'ouvrage, telles que distinguées par Nadia Fadil, Bénédicte et Maryam Kolly. Mais force est de constater que les premières mobilisations ne portaient pas tant sur l'intégration que sur la possibilité persistante du retour. La présence perçue comme temporaire à Bruxelles était alors une condition productive, non seulement pour ajouter un agenda antiraciste aux luttes syndicales en cours, mais aussi pour mobiliser contre le désenchantement et le tournant autoritaire post-colonial au Bled, pour forger des solidarités avec différentes luttes anti-coloniales, pour la poursuite de la décolonisation. Le tournant vers un féminisme politique post-colonial dans les années 2000 était donc aussi une sorte de retour, non pas un retour au pays natal, mais un retour en continuité avec les luttes féministes pan-arabes, pan-africaines qui les avaient précédées. Cette forme de retour est trop souvent occultée dans ce que Samira Hmouda dans sa conversation avec Kaoutar Boustani appelle la nécessité de regarder en arrière, ou l'articulation d’un dialogue intergénérationnel comme forme de décolonisation de nos héritages et nos histoires ou encore, comme une forme de réparation comme le souligne Fatima Zohra dans sa contribution.

La question que je te pose, Maryam, porte donc sur le geste de réappropriation de la wokeness et les pièges possibles qu'un tel geste comporte. Serais-tu d'accord pour dire que la réappropriation du tournant woke - si nous pouvons l'appeler ainsi - pourrait encourager différentes formes de re-moralisation et de dépolitisation des luttes anti-racistes et féministes et potentiellement diviser la communauté de SelfLove le long de différentes lignes qui s’entrecroisent, mais aussi qu'elle pourrait renforcer différentes formes d'oubli, qui déconnecteraient les mouvements de lutte contemporains de leurs précédents militants ?

La possiblité d'instituer autrement

Ma deuxième question s'adresse à Souhaïla Amri et Maja-Ajmia Yde Zellama, et comme je le disais, prolonge la proposition de nous projeter en 2050, pour demander comment - à travers le refus perpétuel du désir de forme de reconnaissance et de représentation dominantes - vos espaces collectifs pourraient être institués autrement. Être une artiste racisé ne signifie pas nécessairement avoir une "soif de reconnaissance" par les acteurs institutionnels du paysage culturel bruxellois, comme le suggère la sociologue Fatima Zibouh.[ix] Bien au contraire, c'est plutôt le refus de ces politiques de reconnaissance qui semble être stratégiquement clé. Lié à différentes luttes antiracistes et féministes, nous pouvons remarquer un changement dans différentes scènes bruxelloise d'une politique libérale de reconnaissance à une politique plus radicale de refus. L'idéal de réciprocité, de représentation ou de reconnaissance mutuelle sur lequel la coexistence pacifique et ces politiques de reconnaissance seraient basées, tend très souvent à reproduire les configurations de pouvoir colonial qu'elles tentent de remettre en question. La réfutation de la reconnaissance par et de la représentation dans les sphères du monde de l’art formel, leurs structures étatiques et leurs idéologies rigides, les relations de pouvoir hiérarchiques qu'elles incarnent, génèrent de nouveaux espaces puissants. C'est dans ce mouvement de refus de la continuité coloniale qu’incarne le monde de l’art, que des espaces de refuge tels que Ras El Hannout ou Bledarte peuvent faire surface, où de nouvelles scheherazades peuvent installer différentes lignes de fuite, dans la structure institutionnelle pesante et étouffante.

Cette forme de refus génératif implique cependant une déliaison de ce que Souhaïla Amri appelle " le besoin de voir des femmes qui nous ressemblent dans un maximum de sphères de la société." La représentation n'est peut-être pas aussi importante qu'on pourrait le croire à première vue, du moins pas dans un régime de visibilité qui est fondamentalement construit sur l'effacement de notre existence même. Notre attention se déplace ici, de l'image de marque ou de la représentativité des institutions culturelles, vers différentes sortes de violence rendues possibles par leurs structures de pouvoir. Le refus crée alors les conditions de possibilité pour l'émergence de formes de représentation différentes dans différents régimes de visibilité autorégulés, ou peut-être de contre-visibilité. En dehors de l'assemblage rigide de l'économie institutionnalisée des arts, ils remettent en question les limites des images normatives et la délimitation de nos imaginaires et régimes visuels sexués, genrés et racialisés.

Les espaces de refuge comme Ras El Hannout ou Bled'arte ne signalent pas seulement un départ vers une pratique coopérative continue qui désavoue le travail professionnalisé et désamouré qui a lieu dans des institutions proches, fermées et qu’ils encerclent. Leur refus génère paradoxalement le pouvoir de modifier les délimitations de ce (ou de qui) qui pourrait être considéré comme un sujet digne de reconnaissance, de modifier le jugement et la valeur attribués aux travaux qui sont produits dans ces espaces. La création et le maintien de ces espaces collectifs sont des pratiques fondamentalement relationnelles qui rendent une transformation possible. Elles facilitent un processus de libération, de nouvelles formes de relationnalité et de participation active à la vie publique, les nouvelles façons d'être et d'exister dans et avec un monde de l'art différent, un monde de l'art où de nombreux mondes de l'art différents sont possibles. En bref, ils sont une condition de possibilité pour qu'une « communauté du SelfLove » puisse voir le jour.

Pour Bouchra Khalili, raconter des histoires est à la fois un acte poétique et civique, et à travers la fabulation, les artistes et les auteurs "fabulent" un peuple à venir. Selon elle, la fabulation met en scène une rencontre et un mélange de voix multiples, non seulement la voix de l'artiste et les voix du passé qui la hantent, mais aussi des voix présentes et futures, réduites au silence. C'est dans la rencontre et le mélange de la multiplicité de ces voix, qu'une vision potentielle émerge pour qu'un collectif ou une communauté puisse voir le jour. Ma question a donc trait à l'aspect préfiguratif de la fabulation à travers des formes autonomes de création d'espaces, construisant de nouveaux mondes, comme Bled'arte ou Ras El Hanout.

Aller au-delà d'un besoin de reconnaissance et de représentation, permet une ré-articulation constante des relations entre la violence des institutions du monde de l’art formelles d’une part et les nouveaux mondes qui sont imaginés encerclant cette violence, de l’autre. La fabulation est ici comprise comme une stratégie fugitive, subversive et horizontale, mais au-delà des idéologies préconçues, où les différences entre la lutte et le but, le réel et l'idéal s'effondrent dans le présent. Dans la création actuelle de lieux autonomes et les histoires qu'ils racontent, un certain sens du monde à venir est articulé. À partir de ces refuges menacés et enchevêtrés, différents processus de résurgence, de réémergence et de ré-mondialisation sont rendus visibles, instituant des futurs hors du communs.

Ma question est donc la suivante : comment voyez-vous votre rôle dans le processus d’'instituter Bledarte et Ras El Hanout, autrement ? Imaginez Ras El Hannout ou Bled'arte en 2050. Peut-être sont-ils déjà en train de devenir les puissantes structures institutionnelles formelles, le monde singulier de l’art de demain ? Comment anticiperiez-vous une éventuelle formalisation ou institutionnalisation de la « communauté du SelfLove » dans laquelle vous êtes engagé maintenant et des différents espaces à travers lesquels cet engagement se matérialise? Comment éviter d'être dévoré par le désamour si caractéristique des structures culturelles institutionnelles de Bruxelles aujourd'hui? Je pense en particulier à la distribution des rôles le long de différentes lignes de genre, de race et de classe qui s’entrecroisent et aux processus d'inclusion et d'exclusion qu'ils impliquent pour que vos travaux artistique radical existe et survive, pour qu'il continue d'exister en 2050. Quelles conversations devons-nous avoir maintenant au sein de la communauté du SelfLove pour instituer les conditions pour raconter nos histoires différentes ?



[i] Mernissi, Fatema. "Digital scheherazades in the Arab World." Current History. 105.689 (2006): 121.
[ii] Chen, Nancy. Speaking Nearby: A Conversation Trinh T. Minh–ha. Visual Anthropology Review 8.1 (1992): 82-91
[iii] hooks, bell. All About Love: New Visions, 2016, 133-134.
[iv] Hartman, Saidiya. "Venus in two acts." Small Axe: A Caribbean Journal of Criticism 12.2 (2008): 1-14.
[v] Khalili, Bouchra . Stories within Stories, 2022, Berlin: Hatje Cantz
[vi] Aouragh, Miriyam. ‘White privilege’and shortcuts to anti-racism. Race & Class 61.2 (2019): 3-26.
[vii] Houria Boutelja, “De l’antiracisme moral à l’antiracisme « woke » ou l’histoire d’un progrès et d’une régression” 12/10/2022 www.qgdecolonial.fr
[viii] Cette forme de re-moralisation contraste fortement avec des formes d'antiracisme politiques. Celle ci ont été formatrices pour beaucoup d'entre nous, par exemple dans le livre, Maja Ajmia nous raconte comment elle a créé le collectif Bledarte après avoir suivi le camp d'été décolonial en 2017, une assemblée intense de cinq jours animés par Sihame Assbague et Fania Noël à Reims, en France.
[ix] Costanzo, Joseph, and Fatima Zibouh. "Mobilisation strategies of individual and institutional actors in Brussels’ artistic and cultural scenes." Identities 21.1 (2014): 42-59.

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