L'illusion de la sécurité par la guerre
Wendy Pearlman
Ce texte a été originellement publié en anglais dans la revue en ligne New Lines Magazine.
Dia al-Azzawi, 1993
En réponse au massacre horrible de quelque 1 400 Israéliens par le Hamas le 7 octobre, Israël a ciblé la bande de Gaza avec l'une des plus dévastatrices attaques militaires des temps modernes. Au sixième jour, selon le spécialiste du Moyen-Orient Charles Lister, Israël avait largué plus du double de bombes sur cette zone civile densément peuplée que la coalition anti-État islamique n'en larguait par mois sur une région 126 fois plus grande. Au neuvième jour, Israël avait bombardé 2,2 millions de civils avec l'équivalent d'un quart d'une bombe nucléaire, selon l'Observatoire Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme. Le dix-neuvième jour, les bombardements avaient détruit ou gravement endommagé au moins 200 000 logements, soit 45 % du parc immobilier de Gaza, laissant environ 629 000 civils se réfugier dans 150 abris d'urgence désignés par l'ONU. Au vingt-troisième jour, Israël avait tué plus de 8 300 personnes, dont 3 400 enfants, et en avait blessé 20 240, tandis que 1 800 autres demeuraient disparus ou piégés sous les décombres. Les bombardements ont été accompagnés par la coupure par Israël de l'eau, de l'électricité, de la nourriture, des médicaments et du carburant, autant de formes de punition collective illégales selon le droit international.

Si la férocité de la campagne militaire d'Israël est sans précédent, la logique qui la sous-tend ne l'est pas. Le politiste Boaz Atzili et moi-même avons documenté des rationalités similaires dans notre livre de 2018, "Triadic Coercion: Israel’s Targeting of States That Host Nonstate Actors". Il existe une longue histoire de recours par Israël à des punitions collectives contre les civils palestiniens, à la déshumanisation et au déni de l'identité palestinienne ainsi qu'au déplacement forcé en tant que stratégies de guerre. Mais un autre facteur-clé façonne pourquoi, comment et contre qui Israël a utilisé la force militaire : ce que les sciences politiques appellent la "culture stratégique", ou le système ancré de croyances, de valeurs, d'hypothèses, d'habitudes et de pratiques institutionnalisées qui façonne l'approche des États face aux conflits.

Pendant les 40 premières années de son existence, la doctrine militaire d'Israël était orientée vers des guerres avec d'autres États. Cependant, au début des années 1990, ses principaux défis n'étaient plus représentés par des armées conventionnelles mais par des acteurs non étatiques. Un changement dans la réflexion et le comportement d'Israël a émergé avec des campagnes de bombardement au Liban dans les années 1990 et des représailles contre la deuxième Intifada palestinienne dans les années 2000. Une culture stratégique s'est cristallisée, passant de l'utilisation de la force militaire pour atteindre des objectifs spécifiques sur le terrain à une préoccupation intense pour l'apparence de la faiblesse. Notre livre trace plusieurs caractéristiques alarmantes de cette culture stratégique en évolution, toutes atteignant des sommets effrayants dans la guerre actuelle.

La première est la croyance en la nécessité inhérente plutôt qu'instrumentale des actions militaires. Un pilier clé de la doctrine de sécurité d'Israël a toujours été la dissuasion : l'utilisation ou la menace de la force pour convaincre les adversaires de ne pas défier Israël parce que les coûts seront élevés. Depuis les années 1990, Israël adopte de plus en plus la logique selon laquelle lorsque sa dissuasion échoue – comme ce fut le cas le 7 octobre – une violence encore plus écrasante est nécessaire pour rétablir cette dissuasion. Cependant, depuis des décennies, l'efficacité des réponses punitives extrêmes a été davantage supposée que sérieusement évaluée et intérrogée. La prise en compte véritable des options non militaires a presque disparu. Marteler l'ennemi – "faire pleuvoir le feu de l'enfer", comme l'a exprimé le Premier ministre Benjamin Netanyahu la semaine dernière – est devenu la solution à tous les problèmes. C'est un objectif en soi.

La deuxième caractéristique de cette doctrine est la justification des représailles militaires sur des bases à la fois morales et stratégiques. La conviction d'Israël selon laquelle il est justifié d'utiliser la puissance militaire, même en violation de l'exigence juridique internationale de proportionnalité, est enracinée dans son sentiment historique de vulnérabilité existentielle et dans la conviction que le droit est de son côté dans la lutte contre des ennemis désirant sa destruction. Alors que cette croyance en sa propre justesse imprègne depuis longtemps la culture stratégique d'Israël, elle a pris une tonalité moraliste plus importante au fil du temps. En effet, la justification guidant les actions militaires a de plus en plus basculé de la "logique des conséquences" (action rationnelle calculant les retours attendus des choix alternatifs) à la "logique de l'adéquation" (où l'action cherche à remplir les normes sociales de ce qui est bon et approprié). Cela ressort dans la guerre actuelle, que Netanyahu a décrite comme un combat du "bien contre le mal, de la lumière contre les ténèbres". L'utilité stratégique n'est donc pas le seul, ou peut-être même le principal, motif de la force militaire. Israël bombarde plutôt l'ennemi parce qu'il prétend être justifié de le faire.

Une troisième caractéristique de la culture stratégique israélienne est un manque de nuance ou de différenciation dans les cibles de la force militaire. En principe, l'armée israélienne soutient l'idée d'"adaptation" des politiques de dissuasion pour répondre à des circonstances spécifiques. En pratique, cependant, Israël a de plus en plus recours à une force brutale, indiscriminée et généralisée sans une attention significative au contexte, aux causes profondes ou aux véritables moteurs du conflit.

Depuis plus d'une décennie, cela a été flagrant dans des démonstrations récurrentes de force militaire écrasante à Gaza que les élites sécuritaires israéliennes qualifient de "tonte de l'herbe". La métaphore est révélatrice. L'herbe n'a ni sentiments ni intelligence. Tant que l'herbe est vivante, elle est destinée à pousser ; la seule chose qui peut limiter sa croissance est de lui passer périodiquement un coup de lame pour la raccourcir. En utilisant cette analogie, l'establishment de sécurité d'Israël suggère que ses ennemis sont également indissuadables et que leur vilence est inévitable. Il ne considère pas sérieusement leurs motivations ou la possibilité qu'ils puissent interagir avec des politiques autres que la violence.

Le siège actuel de Gaza est passé de la tonte de l'herbe à son arrachage total. En effet, la déclaration du ministre de la Défense Yoav Gallant selon laquelle Israël "combat des animaux humains" pointe vers une métaphore biologique encore plus frappante. Cela ne désigne pas seulement toute la bande de Gaza comme une cible légitime, mais déploie également une rhétorique déshumanisante du type que les universitaires reconnaissent depuis longtemps comme génocidaire.

Dans l'histoire que nous avons examinée dans notre livre, ces trois éléments ont atteint leur apogée dans la "Doctrine de Dahiyah". Nommée d'après l'écrasement par Israël de la banlieue de Dahiyah à Beyrouth lors de sa guerre tacticement enlisée de 2006 contre le Hezbollah, ce concept approuve l'utilisation écrasante et disproportionnée de la force pour punir et dissuader les attaquants, telle que la destruction des infrastructures gouvernementales et civiles. Comme l'a décrit le général de division Gadi Eisenkott :

"Ce qui s'est passé dans le quartier de Dahiyah... arrivera dans chaque village d'où Israël est pris pour cible. ... Nous appliquerons une force disproportionnée et causerons de grands dommages et destructions là-bas. Depuis notre point de vue, ce ne sont pas des villages civils, ce sont des bases militaires".

Le bombardement actuel des villages, des villes, des hôpitaux, des télécommunications et d'autres piliers de la vie civile à Gaza est la "Doctrine de Dahiyah" intensifiée à un degré précédemment inimaginable. Alimentée par une culture stratégique qui invoque des justifications moralistes pour une force militaire extrême et indifférenciée comme fin en soi, la campagne punitive actuelle d'Israël est également d'une utilité sécuritaire douteuse. Israël a mené quatre guerres dévastatrices contre Gaza, en 2009, 2012, 2014 et 2021, dans le but de dissuader ou de vaincre le Hamas. Mais au cours de ces années, le Hamas n'a fait que gagner en sophistication militaire et témérité opérationnelle, comme l'attaque du 7 octobre l'a démontré. Même si Israël parvient désormais à détruire le Hamas en tant qu'organisation, il risque de renforcer le Hamas en tant qu'idéologie et expression de la détermination des Palestiniens à lutter contre l'occupation et l'aliénation.

Le seul accomplissement des précédentes attaques d'Israël contre Gaza, sans parler du blocus de 16 ans dont l'ONU a jugé qu'il avait rendu l'enclave invivable, est une souffrance indicible pour des millions de civils palestiniens et la perspective d'une autre guerre inévitable. Il en va de même aujourd'hui. Les bombardements, le siège, le déplacement forcé et le déni d'accès humanitaire peuvent satisfaire le désir de vengeance, mais ces actions ne peuvent pas apporter la sécurité aux Israéliens. Tant que l'autodétermination sera niée, de multitudes actions palestiniennes auront lieu, que ce soit sous des formes de violence toujours plus horribles, telles que lors de la dernière attaque du Hamas, ou sous les multiples politiques non violentes que les Palestiniens ont également entreprises depuis plus d'un siècle.

Il n'y a pas de solution militaire au problème irréductiblement politique de deux peuples cherchant à vivre dans la liberté et la dignité sur le même petit morceau de terre. La sécurité nécessite la paix, qui ne peut être obtenue que par un processus de négociation significatif basé sur le respect du droit international et des droits humains de tous les peuples.
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